Léonie DUVIL (1921 † 2009)

Léonie « Sanan » DUVIL, née le 21/12/1921 à 2 heures ½ du soir à Bourgueil (Indre-et-Loire), rue du Battoir, de Alfred DUVIL (24/01/1896, La Plaine (Maine-et-Loire) † Loches (Indre-et-Loire) 20/02/1924, à 28 ans, vannier) et de Léonie « Blouza » REINHARD (20/04/1890, Ambernac, (Charente) chanteuse ambulante), sœur de Caroline « Poupa » DUVIL, et de Joseph DUVIL, Française, vannière, catholique.

Arrestation à Levroux (Indre). Départ de Châteauroux (Indre). Internée au Camp d’Hébergement de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), sous le nom de STIMBACH, îlot Y, matricule 16415, le 28 septembre 1942. Évadée le 18 novembre 1942, n° de sortie 5475. Retour d’évasion le jour-même, îlot Y. Transférée au camp de Saliers le 25 novembre 1942, n° de sortie 6564.

“Je suis née à Bourgueuil en 1921. Nous nous trouvions à Levroux dans l’Indre lorsque nous avons été arrêtés par les gendarmes. On nous prenait pour aller faire les vendanges. et bien on les a trouvé bien longues ces vendanges! Avec des autobus, on nous a d’abord emmené à Châteauroux, puis ils nous ont fait prendre le train pour aller à Rivesaltes. Nous avons laissés les chevaux sur la place où nous étions. De toute façon on ne pouvait pas faire autrement puisqu’ils sont venus nous prendre à quatre heures du matin. Quand on est arrivés au Camp d’Hébergement de Rivesaltes, on nous a demandé nos papiers et puis on nous a mis dans des cabanes. Il y avait des Juifs dans l’îlot qui se trouvait à côté du nôtre. Nous, nous étions avec des Manouches qui avaient également été arrêtés à Châteauroux. Nous sommes restés entre trois et six mois au Camp d’Hébergement de Rivesaltes. Après, on a eu certaines personnes de notre famille – des hommes – qui sont parties au Camp de Nomades de Saliers pour construire les cabanes. Plus tard, nous sommes allés les rejoindre. Nous avons pris un train pour aller à Arles. Le voyage a duré trois jours à cause des avions qui passaient dans le ciel et du danger que cela représentait. Et puis nous sommes arrivés à Saliers. Là, M. FATICCI et M. PIERRE nous ont donné du travail. Il fallait faire des petits tas de joncs et les mettre en haut des maisons. On nous a également fait faire des vendanges à Saliers. Moi, je dormais avec ma tante Simone DUVILLE et ses six enfants. Il y avait aussi ma mère dans la maison. On devait être entre sept et huit à dormir dans la même cabane. On n’avait pas le droit de sortir du camp. Les gardiens étaient méchants avec nous et quelquefois ils nous tapaient. J’ai eu des gens de ma famille qui sont morts dans le camp à cause de la faim et de la misère. Mon frère a failli mourir dans le camp à cause du travail qu’on lui faisait faire. Il passait sa journée à creuser des tranchées qui ne servaient à rien. Heureusement qu’il a pu aller à l’infirmerie pour se reposer quelques temps. C’était tellement dur de vivre là-bas que je me suis échappée avec deux cousins et une cousine. Nous sommes partis dans la nuit. Les allemands nous ont vu passer sur le pont de Saint-Gilles mais ne nous ont rien dit. On a marché plusieurs jours jusqu’à ce qu’on approche de la Corrèze. Et puis nous sommes arrivés à Florac où nous avons vu  des gens à qui nous avons demandé qu’ils nous logent. Ils nous ont dit de nous mettre dans une maison où il y avait du foin. Nous avons passé la nuit là, mais on n’arrivait pas à dormir à cause de la peur. Nous avons du être dénoncés par des villageois puisque les gendarmes sont venus nous arrêter le matin pour nous reconduire à Saliers. Là, on a passé une journée dans la prison du camp. Celui-ci a été bombardé plusieurs fois par la suite. Il fallait s’évader dans la nuit pour ne pas se faire tirer dessus. Mais, il n’y avait pas d’abris, alors il fallait se jeter dans l’eau pour sauver sa vie. Nous, après le premier bombardement , on est retournés au camps, alors que la plupart des autres gens s’étaient évadés. Et puis, on est repartis deux ou trois jours après. J’ai fui avec mon frère et ma mère ainsi qu’une vieille tante et ses deux filles. Comme on n’avait pas d’argent, on est revenus à pied à Châteauroux [Indre]. Il y avait plus de mille kilomètres à faire [environ 600 kilomètres en fait] ; on marchait jour et nuit. On a du mettre un mois pour revenir. Sur la route on a croisé deux maquis ainsi que des Allemands qui nous ont laissés passer. Quand on est rentrés on n’avait plus rien. Alors il a fallu se débrouiller et on est repartis à zéro avec la misère en plus.”

Internée au Camp de Nomades de Saliers (Bouches-du-Rhône) le 27 novembre 1942, matricule 164, cabane 6, catégorie A travailleuse. Évadée le 15 décembre 1942. Arrêtée le 14 janvier 1943 à Florac (Lozère). Extrait du PV : « Je me nomme DUVILLE, Léonie, 21 ans, née le 21 décembre 1921 à Bourgueuil (Indre-et-Loire), fille de feu Alfred et REINHARD Léonie. C’est par manque de nourriture que je me suis évadée du Camp de nomades de Saliers. A ma sortie du camp, je n’avais pas de but défini. Je me proposais de travailler dans les régions parcourues pour gagner ma vie.” Entrée à nouveau le 15 janvier 1943. Évadée le 18 août 1944

Décédée à Amboise (Indre-et-Loire) le 21 décembre 2009, âgée de 88 ans.


Documents d’état-civil et de police

Carnet anthropométrique individuel Nomades n° 84772.


Documents d’internement