Friedel BOHNY-REITER (1912 † 2001)

Friedel BOHNY-REITER, née à Vienne (Autriche) en 1912, décédée à Bâle (Suisse) en 2001. Infirmière en pédiatrie. Elle est nommée Juste parmi les Nations en 1990.

Du 11 novembre 1941 au 26 novembre 1942, Friedel BOHNY-REITER, infirmière du Secours Suisse aux Enfants, sous couvert de la Croix Rouge Suisse, est internée volontaire au camp de Rivesaltes.

Elle y tient son Journal:

12 novembre 1941. Elle décrit son arrivée au camp : « Le vent souffle violemment autour des baraques. Il passe sans pitié par-dessus le village qui se dresse, baraque après baraque, dans une morne étendue de pierres. C’est ici, dans cette désolation, que vivent des gens pendant des semaines, des mois, dans les conditions les plus primitives. Sans parler de l’inquiétude pour leurs familles. Yeux ouverts ou fermés – je ne vois rien que d’immenses yeux d’enfants affamés dans des visages marqués par la souffrance et l’amertume. Et encore des yeux d’enfants qui défilent devant moi. » (Bohny-Reiter, pp. 31-32). Elle s’installera à l’îlot K, baraque 12, au Secours Suisse pour Enfants.

05 décembre 1941. « Cris de joies quand aujourd’hui nos écoliers ont reçu chacun une salade. C’est les Tsigane [sic] qui étaient les plus heureux – la plupart l’ont mangé comme ça, sans la laver, jusqu’au trognon. Ils étaient drôles à voir, ceux qui partaient avec leur salade sous le bras. Les gardiens étaient moins contents car le sol de l’îlot J était couvert de déchets. » (Bohny-Reiter, p. 42).

19 décembre 1941. « Il est question d’autres fuyards, parmi eux ma vieille Gitane qui parle le suisse allemand1. On parle d’envoyer les gitans dans un autre camp la semaine prochaine. Sincèrement cela me ferait de la peine, car si quelqu’un a de la sympathie pour eux, c’est bien moi. Ce sont des voyous et ils sont très sales, mais ils ont le cœur au bon endroit – et souvent j’ai découvert chez eux une âme très belle, merveilleuse. Ils savent qu’ils ne sont que des « Gitans », mais pourtant ces gens, grands et de belle stature, portent la tête haute, et leur démarche élastique a quelque chose de particulier, étrangers à toute peur, qui me plaît. Ils adorent leurs enfants, les défendants comme des lionnes le font pour leurs petits, et la petite bande noiraude du jardin d’enfant se serre comme des chatons. Au camp, ces gens habitués à la liberté sont très malheureux. Ce sont des êtres qui ont besoin de la nature, de la terre, du large. Pourtant nous espérons, avec tous les autres que par-delà les hauteurs lointaines, le bonheur existe » (Bohny-Reiter, p. 51) [1.– La gitane en question est probablement une jenishe…]

25 décembre 1941Les enfants alsaciens et les gitans connaissent nos chants de Noël et nous ont vaillamment accompagnés. »


Sources

BOHNY-REITER, Friedel, Journal de Rivesaltes, 1941-1942, Genève, Zoé édition, p. 58.

Cliché: « Enfants au camp de Rivesaltes », coll. Friedel BOHNY-REITER, Mémorial de la Shoah, CDJC, M II 608_R.