
Ilsen ABOUT, publie Sonia STEINSAPIR, Une Vie intranquille aux éditions Beaux-Arts de Paris. 272 pages qui s’avalent d’une traite.
Le destin de Sonia Steinsapir (1912-1980) éclaire l’expérience méconnue des femmes artistes juives émigrées en France dans les années 1930.
À travers ses archives privées, miraculeusement conservées, et de multiples documents retrouvés au fil d’une longue enquête historique, son parcours documente l’itinéraire d’une exilée. Étudiante en art à Berlin puis artiste graphiste à Moscou, Sonia fuit les purges soviétiques et émigre à Paris en 1936 où elle devient étudiante aux Beaux-Arts. Victime des mesures antisémites sous l’Occupation, elle est arrêtée, internée mais parvient à s’évader du camp de Poitiers en décembre 1941.
C’est cette période à laquelle est consacré un long chapitre Une femme en guerre 1940-1944 qui a le plus retenu notre attention. Durant cette période, elle réalise un témoignage artistique inédit consacré aux Rroma, Sinté, Kalé, Jenish et Voyageurs internés en France comme « Nomades ». Elle arrive Dans le camp de Mérignac Beaudésert en 1941, soit dans la deuxième époque du camp. Profitons-en pour rectifier : du 16 novembre au 2 décembre 1940, 330 « Nomades » raflés en Gironde sont internés ici avec leurs roulottes, et montent les premières baraques Adrian, puis sont transférés les 1er et 2 décembre en bus jusqu’à la gare de Bordeaux-Bastide, et de là en train vers les camps de La Morellerie et de la route de Limoges à Poitiers.
Lorsqu’elle arrive le 15 juillet 1941, le camp a été réaménagé tel qu’on peut le voir sur les photographies accompagnant le rapport de visite de l’Inspection Générale des Camps en 1942. Dès la réouverture du camp en février 1941, des dizaines de personnes dites Nomades se retrouvent internées à Mérignac. Là, Sonia livre un témoignage exceptionnel de leur présence par le dessin. Tâche qu’elle poursuivra par la suite lors de son transfert au Camp de Poitiers dont elle s’évadera le 30 décembre 1941.









Entre 1942 et 1944, elle vit clandestinement à Paris jusqu’à la Libération.
Jusque dans les années 1970, elle expose régulièrement ses œuvres et exerce divers métiers, comme illustratrice ou conservatrice au musée des Arts et Traditions populaires.
Ce livre biographique et artistique est publié à l’occasion de la rétrospective de ses œuvres et archives au mahJ à Paris, d’avril à septembre 2024.
A lire d’urgence !
Et pour ceux qui ont la flemme de lire : conférence filmée de Ilsen About au mahJ.
Extrait
La trajectoire d’Emma et le sort réservé aux membres de sa famille, rappelle
le caractère diffus et irradiant des persécutions antitsiganes en Europe: elles tou-
chèrent à la fois les Sinté de la région du Bade-Wurtemberg, l’ensemble des Sinté
présents en Alsace au début du conflit, tous les Sinté allemands et Manouches
installés en France, mais plus largement tous les collectifs et les personnes isolées,
repérées et ciblées par les autorités françaises et allemandes. Assignés à résidence,
internés dans toutes sortes de camps, lieux de détention, prisons et hôpitaux, ils
furent poursuivis, privés de leurs biens et des moyens de travailler et de subvenir
à leurs besoins, coupés de leurs familles et de leurs proches, les femmes furent
séparées de leurs enfants, nombreux furent contraints au travail forcé, poursuivis
par les autorités administratives, cernés par la suspicion et les préjugés, exclus de
la société, menacés physiquement et détruits collectivement' ». Un génocide, qui ne
prit pas toujours une forme coordonnée et organisée, eut bien lieu en Europe et en
France, comme en témoigne ce destin à la fois révélateur et singulier d’Emma Kern.
About Ilsen, Sonia Steinsapir, Une Vie intranquille, Paris, Beaux-Arts de Paris éditions, 2025, 272 p., p. 138.
Crédits
Reproduction du carnet de dessins au crayon réalisés au camp de Mérignac entre juillet et octobre 1941, clichés Ilsen About, ©mahJ, Paris.