Camp de Crest (Drôme) 1915-1919

Entre 1914 et 1919 la France se couvre de 74 camps dans le Sud-Ouest, l’Est et le Massif Central principalement, parmi lesquels 13 dépôts pour Alsaciens-Lorrains, dont 5 dépôts surveillés (c’est-à-dire où l’on est privé de liberté, dont Crest). L’internement n’épargne pas les femmes et les enfants, pourtant, non mobilisables…

Les Alsaciens-Lorrains sont envoyés dans différents camps d’internés civils en France (Alès (Gard), Aurec (Haute-Loire), Bellevaux (Haute-Savoie), Blanzy (Saône-et-Loire), Brignoles (Var), Brives-Charensac (Haute-Loire), La Ferté-Macé (Orne), Garaison (Hautes-Pyrénées), Luçon (Vendée), Le Puy (Haute-Loire), Pontmain (Mayenne), Saint-Maximin (Var), Le Vigan (Gard), Viviers (Ardèche)…) dès 1914. A partir de mars 1915 la mesure se généralise et ils sont concentrés au « dépôt surveillé » de Crest. Ce sera le seul camp en France à héberger une population essentiellement nomade ainsi que quelques vagabonds et forains. Il y resteront 4 ans, bien après l’Armistice déjà. La répétition générale peut commencer… l’histoire peut bégayer… la France est prête…

06 décembre 1915. Circulaire du ministre de l’Intérieur au préfet de la Drôme. Elle fixe les conditions de vie au camp et le règlement intérieur. Il est interdit « de fréquenter les cafés ou cabarets où leur présence pourrait donner lieux à des remarques ou à des incidents fâcheux. » Elle est fondée sur la Circulaire du ministre de l’Intérieur aux préfets :

 Je dois insister tout d’abord sur la distinction essentielle , entre les surveillés et les suspects. Ces deux catégories qui se sont trouvées parfois confondues, au moins dans certains dépôts, sont dorénavant nettement différenciées. J’appelle en conséquence toute votre attention sur ce point que les Alsaciens classés n° 1 et mis sous surveillance à ce titre, ne sont pas des suspects. Aussi, doivent-ils jouir de certaines facilités et même d’une liberté limitée, tant qu’ils s’en montrent dignes, alors que les suspects sont soumis au régime de l’internement pur et simple. » « Le régime de ces dépôts consiste en internement absolu et rigoureux, mais une vie collective s’accompagnant – dans la mesure compatible avec une surveillance efficace des agissements, propos et correspondances des intéressés – de la jouissance d’une certaine liberté. » Ceux de Crest sont donc classés dans la catégorie « suspects »

 


Sources: AD26, 200 M 431-1, Dépôt surveillé d’Alsaciens-Lorrains Romanichels de Crest : liste des réfugiés, notices individuelles, pièces d’état-civil (enfants nés au dépôt, mariages), évasions, création d’une école pour les enfants romanichels, accords de Berne (1915-1919). Rapport du gestionnaire du dépôt au sous-préfet, 3 avril 1916.

AD26, 200 M 431-2, Dépôt surveillé d’Alsaciens-Lorrains Romanichels de Crest. Pièces générales, instructions (1915-1919). Conversation entre les préfets de Valence et de Draguignan. Rapport des ministères de l’intérieur et de la Guerre, Commission interministérielle des Alsaciens-Lorrains. Circulaire du ministre de l’Intérieur, le 06 décembre 1915, au préfet de la Drôme. Résumé des Instructions administratives en vigueur concernant les Alsaciens-Lorrains d’origine française, le 02 avril 1916.

Le Crestois, 24/07/1915, -1918

Epoque moderne : Série E supplément (communes), E 12959, E 13025, E 13562. E13075, E13905.

– sur les Accords de Berne voir aussi Journal Officiel, 12 mai 1918 (n° 129, 50e année), p. 4102.

FILHOL, Emmanuel, Un camp de concentration français. Les Tsiganes alsaciens-lorrains à Crest, 1915-1919, Presses universitaires de Grenoble, 2004, 181 pages, ISBN : 2 7061 1187 9

MAURAN, Hervé, « Un camp d’ « Alsaciens-Lorrains romanichels » dans la Drôme (Crest, 1915-1919), Paris, 2000, Études Tsiganes n°13, pp. 88-119, 222 p. L’auteur est doctorant en Histoire militaire d’études de défense à l’UMR 5609 du CNRS à l’Université Paul-Valéry Montpellier III.